Regards de Provence : les voyages d’André Maire


André Maire, Femmes a la toilette, Vietnam, 1955
Tout comme il y a des écrivains voyageurs (que le seul mot de « tourisme » énerve), il y a – ou il y a eu - des peintres voyageurs. Des peintres  peu sensibles aux charmes de leur terroir. Des peintres pour lesquels l’inspiration était liée au mouvement perpétuel et à la découverte d’horizons lointains. Des peintres qui unirent en un même projet la description du monde et sa sublimation artistique. A n’en pas douter André Maire (1898-1984) fut de cette race-là. Quoique né à Marseille à une époque où tout était encore à peindre, il choisit assez tôt de mener sa double carrière d’enseignant et de peintre loin, bien loin, des limites de sa ville natale. Mais, après tout, n’a-t-elle pas toujours été une plate-forme vers l’ailleurs, point de départ et d’arrivée de toutes les aventures humaines ? C’est ce destin, aussi intense qu’expansif, que s’attache à retracer la nouvelle exposition du musée Regards de Provence. En quelques cent vingt œuvres – des huiles et des dessins, pour l’essentiel -, elle nous invite à marcher dans les pas de ce peintre sensible et discret, depuis sa formation sous les auspices d’Emile Bernard (dont il épousera la fille) jusqu’à ses dernières expéditions picturales à Madagascar, à la fin des années 50. Entre temps, il aura parcouru l’Egypte, l’Inde, l’Indochine et l’Afrique sub-saharienne avec une curiosité inlassable pour leurs coutumes et leurs habitants, un carnet de croquis toujours à portée de main. 

André Maire, Les éléphants, Mali, 1947

L’influence des Nabis se retrouve dans son goût pour les temples et les statues religieuses qu’il représentera avec un grand sens du détail. Et comment ne pas songer à Gauguin – cet autre exilé de génie - devant ces scènes de genre exotiques et tout en aplats, avec leurs personnages aux formes ondulantes, aux traits volontairement absents ?  Toutefois, c’est dans le dessin et la gouache qu’André Maire excelle à saisir la diversité du vivant. Là, son trait se fait plus souple, moins figé que dans ses huiles ; et l’usage du sépia dans bon nombre d’entre eux ajoute encore à la patine que le temps donne naturellement aux oeuvres sur papier. Celles qu’il a consacrées au Marseille des années 20 ne sont pas, à mon avis, les moins intéressantes ; elles regorgent d’informations sur l’urbanisme et les mœurs de cette époque. Il faut également faire une place aux portraits, et surtout aux auto-portraits qui révèlent, avec son visage, une personnalité altière et délicate à la fois.
Après Joseph Inguimberty et ses escapades asiatiques, Regards de Provence poursuit sa redécouverte des peintres marseillais de tradition exotique, témoins d’une époque à jamais révolue : celle de la colonisation. Dépaysement assuré.
Du 16 décembre 2017 au 27 mai 2018. Informations au  04 96 17 40 40. Ou sur le site : www.museeregardsdeprovence.com




Jacques LUCCHESI      

(Article initialement publié sur le webmag de Toutma)

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