Regards de Provence : Sa Muse…

On la décline en modèle, égérie, icône ou diva, mais c’est toujours la même inspiratrice mystérieuse qui est derrière. Du reste, comme le fait remarquer Bernard Muntaner dans sa présentation, on chercherait en vain, parmi les neuf Muses recensées par les Grecs anciens, celle qui préside aux arts visuels. C’est d’autant plus surprenant que la peinture existait déjà dans l’Athènes classique – et ne parlons même pas de la sculpture. Ainsi c’est à chaque peintre de trouver la sienne, quitte à la chercher éperdument parmi la foule des créatures terrestres.         

Henri Manguin, Nu devant la glace
Voilà le point de départ de Sa Muse, la nouvelle exposition du musée Regards de Provence. Elle inaugure un ensemble de manifestations et d’initiatives artistiques regroupées sous l’intitulé Quel amour !. Et s’il est trop tôt pour dire si ce programme attrayant connaîtra le succès de Marseille 2013, on peut déjà en apprécier les prémices avec ce parcours extrêmement soigné qui rassemble, sur un seul niveau, les œuvres d’une quarantaine d’artistes, dont une majorité de contemporains.
 Lors de la visite de presse précédant le vernissage public, vendredi 9 février, plusieurs d’entre eux étaient présents (Jean-Jacques Surian, Katia Boudarel, Sabine Pigalle ou Michèle Sylvander), offrant ainsi un éclairage  personnel sur leurs œuvres sélectionnées. Loin d’abandonner à quelques aînés consacrés (Manguin, Bonnard, Lebasque, Dali, Marchand) les délices de la création picturale, leurs épigones savent encore donner, à l’huile ou à l’acrylique, une forme et des couleurs à leurs rêves les plus intimes : c’est le cas pour Marie Ducaté, Djamel Tatah ou Hug Pat avec leurs tableaux respectifs. Mais c’est néanmoins la photographie, argentique et numérique, qui se taille ici la part du lion avec un sens consommé de la citation. Comme si, à ce stade de notre civilisation, l’art de toutes les époques était servi sur un plateau et qu’il ne restait plus, pour les artistes d’aujourd’hui, qu’à y puiser à volonté (pour peu qu’ils y apportent un peu de distanciation et d’humour).
 D’entrée de jeu, Orlan donne le ton avec un grand format où elle prend (tout aussi dénudée) la pose de la grande Odalisque chère à Ingres. Entre le peintre du Bain Turc, Van Gogh et le Gervaix de Rolla , Surian ne choisit pas, faisant entrer habilement les trois dans son unique petit format. Quant à Sabine Pigalle, elle revisite l’art de la Renaissance avec, notamment, la duplication numérique du portrait d’une princesse d’Este, œuvre majeure de Pisanello. D’autres ont associé la thématique de la muse avec celle, très actuelle, du genre et de ses multiples variations, du masculin vers le féminin et inversement, comme Michèle Sylvander, Elisabeth Montagnier, Claire et Philippe Ordioni. Tandis que Suzanne Strassmann établit un parallèle entre la femen moderne et l’ancienne révolutionnaire russe à travers leur gestuelle (Femmen, 2014).

D’autres surprises – comme la singulière carte de vœux d’Arman – attendent le visiteur tout au long de cette exposition, sans doute l’une des plus originales produites par ce musée indépendant.

Jusqu’au 26 août 2018. Tous renseignements sur : www.museeregardsdeprovence.com                                 


Jacques LUCCHESI       

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