Double V Gallery : la cage aux Fauves


      
Assister à la naissance et au développement d’une galerie d’art est toujours un moment fort dans la carrière d’un observateur de la vie culturelle à Marseille. C’est encore plus captivant lorsque cette galerie affiche son intention de montrer - et de vendre – une génération d’artistes émergents, en rapport d’âge avec ses animateurs. Ce pari, c’est celui d’Emmanuelle et Nicolas, qui ont ouvert, voici 16 mois, la Double V Gallery au 28 de la rue Saint-Jacques (13006), dans un quartier déjà riche en commerces artisanaux. A d’autres, cependant, les charmes du passé : eux regardent résolument en avant, persuadés que l’art contemporain n’est pas encore devenu majeur dans cette ville, qu’il y a donc un marché à promouvoir. Ils ont certainement raison, eu égard à tous les jeunes plasticiens qui travaillent ici dans l’attente du succès.

Mais s’il faut surprendre le public par des propositions audacieuses, il faut aussi savoir ménager la part d’une esthétique moins déroutante, apte à séduire spontanément de nombreux amateurs d’art. Avec la cage aux Fauves - l’appellation est entrée depuis longtemps dans l’Histoire  -, ils ont manifestement rapprochés ces deux paramètres fondamentaux de leur activité, d’ailleurs sans compromission. Pour la circonstance, les murs aussi ont pris des couleurs.
Derain, Matisse, Manguin, Dufy : l’hommage mérité à ces peintres qui ont fait, au début du XXeme siècle, les beaux jours de l’art moderne, est ici revendiqué sans réserve. C’est même le mobile du défi lancé à de jeunes peintres avec un leitmotiv photographique : le vieil aqueduc de l’Estaque. Et contre toute attente, ils ont joué le jeu, revisitant ce « classique » de la véduta marseillaise avec d’autres moyens, d’autres techniques, que ceux de leurs célèbres aînés. Mais le résultat est probant, de quelque côté qu’on se tourne.
Selon sa sensibilité, on appréciera davantage les compositions plutôt flashy d’ILK et d’Alexandre Benjamin Navet plutôt que celles, en demi-teintes, de Coraline de Chiara et Johan Papaconstantino – ou le contraire. Mais il y a gros à parier que les couleurs exaltées des moyens-formats de Florent Broc ou les paysages marins quasi abstraits de l’américain Elliott Green mettront tout le monde d’accord, tellement la maîtrise de leur médium est évidente. A chacun, ensuite, d’élire l’œuvre de son choix (personnellement, j’aime beaucoup le Portrait d’Eros peint par Coraline De Chiara). Car une exposition doit affiner nos perceptions et stimuler notre capacité à juger. Et c’est sans conteste le cas pour celle-ci.   
(Jusqu’au 21 avril 2018)

                                              Jacques LUCCHESI  

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